6 mars 2025
Intérêt à agir contre les autorisations d’urbanisme
Quelles sont les conditions à respecter selon le Code de l'urbanisme ?
Votre voisin a obtenu un permis de construire pour une construction qui altère votre vue, votre ensoleillement ou encore votre intimité. Pouvez-vous contester ce permis ?
Une entreprise souhaite installer une activité bruyante près de votre résidence. Avez-vous le droit de vous opposer à ce projet ?
Vous êtes une association de protection de l’environnement et vous souhaitez contester la construction d’un complexe commercial menaçant une zone naturelle. Pouvez-vous le faire ?
Les réponses à ces questions sont déterminées par la notion d’intérêt à agir contre les autorisations d’urbanisme.
La notion d’intérêt à agir est essentielle, puisque la recevabilité d’un recours contre une autorisation d’urbanisme en dépend. Une méconnaissance de cette notion peut priver un recours de toute efficacité et faire échec à la défense de vos intérêts.
Dans cet article, il s’agira de préciser le contour de cette notion de l’intérêt à agir au sens du Code de l’urbanisme.
Dans quelles conditions a-t-on intérêt à agir contre une autorisation d’urbanisme ?
Définition de l’intérêt à agir
L’intérêt à agir est une condition essentielle pour qu’un requérant puisse contester utilement une autorisation d’urbanisme. Il s’agit de démontrer que le projet autorisé est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien.
L’article L.600-1-2 du Code de l’urbanisme prévoit en effet que :
« Une personne autre que l’État, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l’occupation ou à l’utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l’aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du Code de la construction et de l’habitation. »
Appréciation de l’intérêt à agir
La jurisprudence a précisé que l’intérêt à agir doit être apprécié à la date d’affichage en mairie de la demande d’autorisation. Ainsi, les circonstances postérieures à cet affichage n’affectent pas la recevabilité du recours.
Par exemple, le Conseil d’État a jugé que l’intérêt pour agir contre un permis de construire s’apprécie au vu des circonstances de droit et de fait à la date d’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire, sans tenir compte de circonstances postérieures (CE, 21 septembre 2022, n° 461113).
Qui a intérêt à agir contre une autorisation d’urbanisme ?
Ont un intérêt à agir contre un projet de construction les personnes susceptibles d’être directement affectées dans les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de leur bien. Mais qui cela concerne concrètement ?
Qui sont les tiers concernés ?
Les voisins immédiats du projet
Les propriétaires ou occupants réguliers de biens immobiliers situés à proximité directe du projet peuvent contester une autorisation d’urbanisme si celle-ci est de nature à affecter leurs conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance.
Le « voisin immédiat » est une catégorie de personnes qui a par principe intérêt à agir depuis un arrêt du Conseil d’Etat du 13 avril 2016, n° 389798.
Concrètement, le voisin mitoyen au terrain d’assiette de l’opération aura moins d’effort à faire dans la démonstration de l’altération des conditions de jouissance de son bien par le projet que le propriétaire/locataire d’un bien situé de l’autre côté de la rue.
Les voisins « moins » immédiats
Les associations
Les associations déclarées depuis au moins un an avant la date de l’affichage en mairie de la demande d’autorisation et dont l’objet social est en lien avec la protection de l’environnement, du cadre de vie ou du patrimoine peuvent également contester une autorisation d’urbanisme. Elles doivent démontrer que le projet autorisé porte atteinte aux intérêts qu’elles défendent conformément à leurs statuts.
Circonstance particulière : les acquéreurs potentiels
Les personnes bénéficiant d’une promesse de vente, d’un bail ou d’un contrat préliminaire à une vente d’immeuble à construire peuvent contester une autorisation d’urbanisme si le projet autorisé est de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien objet de la promesse ou du contrat.
Toutefois, si la promesse de vente prévoit une clause de substitution permettant à une autre personne ou entité d’acquérir le bien, cette dernière ne pourra contester l’autorisation que si elle justifie d’un droit sur le bien à la date d’affichage de la demande d’autorisation.
Le cas particulier des héritiers : la seule qualité d’héritier ne constitue pas un intérêt à agir
Le 20 décembre 2024, le Conseil d’État a rendu une décision importante concernant l’intérêt à agir des héritiers (CE, 20 décembre 2024, n° 489830).
Dans cette affaire, une dame a introduit un recours en annulation contre un permis de construire pour l’extension d’une maison d’habitation en se prévalant de sa qualité d’héritier d’un bien appartenant à sa mère, usufruitière d’une maison voisine d’un projet de construction. La fille a contesté le permis de construire délivré pour ce projet, arguant de sa qualité d’héritière pour justifier son intérêt à agir.
Le Conseil d’État a rappelé que, selon l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme, seul peut former un recours contre une autorisation d’urbanisme celui qui justifie être propriétaire ou occupant régulier d’un bien directement affecté par le projet. De plus, cette qualité s’apprécie à la date d’affichage en mairie de la demande de permis, conformément à l’article L. 600-1-3 du même code.
En l’espèce, la requérante n’était ni propriétaire ni occupante régulière du bien à cette date. Par conséquent, sa seule qualité d’héritière ne suffisait pas à lui conférer un intérêt à agir contre le permis de construire.
Conclusion : les points à bien vérifier si vous souhaitez contester une autorisation d’urbanisme
Si vous envisagez de contester un permis de construire ou une autre autorisation d’urbanisme, il faut suivre une démarche précise pour assurer la recevabilité de votre recours.
Voici les étapes clés :
1 – Vérifiez votre intérêt à agir : assurez-vous que le projet autorisé affecte directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de votre bien et justifiez-en concrètement.
2 – Respectez les délais de recours : vous disposez d’un délai de deux mois à compter du premier jour de l’affichage sur le terrain pour déposer votre recours. En l’absence d’affichage, ce délai peut être prolongé jusqu’à six mois après l’achèvement des travaux.
3 – Choisissez le type de recours approprié :
Recours gracieux : adressez une lettre recommandée avec accusé de réception à l’autorité ayant délivré l’autorisation, généralement la mairie, en exposant les motifs de votre contestation. Ce recours doit être introduit dans le délai de deux mois mentionné précédemment.
Recours contentieux : si le recours gracieux n’aboutit pas ou si vous souhaitez saisir directement la justice, vous pouvez déposer un recours devant le tribunal administratif compétent dans le même délai de deux mois.
4 – Notifiez le titulaire de l’autorisation : informez le bénéficiaire de l’autorisation de votre recours gracieux ou contentieux en lui adressant une copie par lettre recommandée avec accusé de réception dans les 15 jours suivant le dépôt de votre recours. Cette notification est obligatoire et conditionne la recevabilité de votre recours contentieux.
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Vous êtes confronté à un projet de construction susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de votre propriété ?
Les subtilités de la matière notamment s’agissant de la démonstration de l’intérêt à agir et de la gestion des différents délais de recours peuvent rendre la situation complexe. Il est vivement recommandé de prendre conseil auprès d’un avocat intervenant régulièrement sur ces questions.
Maître Samantha Carneiro, par son expertise en droit de l’urbanisme, vous accompagne tout au long de votre projet et vous apporte des conseils adaptés à votre situation.
N’hésitez pas à la contacter dès aujourd’hui pour un accompagnement personnalisé.